Laisser sa place à la nature sauvage

L’épisode du Covid-19 est une conséquence du comportement de notre espèce qui se dit supérieure par rapport à ses compagnons vivant sur la planète Terre.

Si certains ont occupé leur temps confiné à nettoyer leur jardin ou propriété du moindre végétal indésirable, d’autres ont pris le temps de découvrir leur espace de vie et en particulier les oiseaux au fur et à mesure de leur retour de migration, les papillons de passage, les arbres, fleurs et herbes diverses dans leur croissance et leur floraison.

Les changements climatiques font peser des menaces pour l’avenir de certaines espèces, tant par l’élévation des températures, des précipitations moins bien réparties sur l’année, des tempêtes mais aussi avec l’apparition de nouvelles maladies pour les plantes et les animaux dont l’homme fait partie. Cela doit nous inciter à changer nos comportements individuels.

En plus des décisions politiques indispensables pour rendre nos sociétés moins voraces et plus soucieuses de l’avenir, chacun doit prendre sa part dans l’action en faveur de la nature.

Alors, laissons sa place à la nature sauvage dans nos jardins et vergers, dans les espaces cultivés, agricoles ou forestiers, le long des routes…

Acceptons ce qui peut paraître du désordre mais est en réalité ce qui permet à la nature de bien fonctionner à travers des assemblages d’espèces dépendant les unes des autres qu’on appelle « système écologique » (je préfère utiliser ce terme car le mot « écosystème » a déjà été récupéré par les dirigeants d’entreprise, par les économistes et par les politiques pour désigner le milieu dans lequel ils se trouvent !).

Dans nos jardins, dans les vergers et les zones non cultivées, gardons des plantes sauvages, des vieux fruitiers morts (de vieillesse ou épuisés par le gui), préservons des zones où ne séviront ni la tondeuse, ni la débroussailleuse. Dans ces zones laissées en évolution libre, nous trouverons des motifs d’intérêt esthétique, écologique avec des plantes de couleurs et formes diverses (coquelicots, bouillons blancs, graminées). Elles abritent ou nourrissent des butineurs, des chenilles de papillons, des nids d’oiseaux, des hérissons dont la majorité sont des auxiliaires des jardiniers, des cultivateurs, des arboriculteurs ou des forestiers.

Suivant l’exemple de certains départements qui font un fauchage sélectif des accotements des routes départementales, ce que fait en particulier l’Agence Départementale d’Aménagement (A.D.A.) de la Meuse, gardons des zones sans intervention le long des chemins communaux, des routes forestières lorsqu’il n’y a pas d’enjeux de visibilité pour la sécurité des véhicules, le tir du grand gibier ou l’apport de lumière pour des orchidées,…

Acceptons donc d’introduire la courbe en plus de la ligne droite dans notre pelouse car la machine a contourné un orchis pyramidal d’un rose intense, un bouquet de marguerites ; gardons au fond du terrain un roncier ou une zone de grandes herbes abritant le fragile et utile orvet, et les larves d’insectes, fournissant du pollen et du nectar aux nombreux pollinisateurs sauvages et aux abeilles des ruches voisines ; gardons le vieux pommier mourant ou déjà sec pour les insectes qui pondent sous l’écorce ou pour les oiseaux cavicoles, plantons de nouveaux arbres fruitiers ou d’ornement pour fixer le carbone dont l’excès est une des causes du réchauffement du climat.

Ainsi nous retrouverons de la diversité dans notre environnement et nous contribuerons à l’effort indispensable pour préserver la biodiversité et pour limiter les impacts des changements climatiques en cours.

Ne soyons pas cet « homme mécanisé, oublieux des flores, … fier des progrès accomplis dans le nettoyage du paysage » décrit par Aldo Leopold, forestier américain en 1942 dans son Almanach du comté des sables. Il ajoutait « il serait peut-être sage de supprimer tout de suite l’enseignement de la botanique et de l’histoire… de crainte que quelque citoyen du futur ne soit pris d’angoisse à la pensée du prix floristique de sa vie si bien agencée. »

Article rédigé par Jean-Marc Brézard (avec la complicité d’André Jeannin pour les photos).